Des enfants royaux
Il était une fois, dans un château lointain, une reine qui mit au monde un enfant très laid. C’était un garçon que l’on surnomma bien vite Riquet à la Houppe car se dressait sur le devant de sa tête une petite touffe de cheveux et son nom de famille était simplement Riquet. Le jour de sa naissance, une fée se pencha au-dessus de son berceau et rassura la reine en ces mots : « Votre enfant est certes bien laid, mais il aura une intelligence très fine et une répartie bien subtile. En grandissant, il aura le pouvoir de partager ce don avec la personne qu’il aimera profondément ! » La reine fut bien soulagée et en oublia presque la laideur de son enfant. Quelques années plus tard, la souveraine d’un pays voisin donna naissance à deux filles : l’une d’une rare beauté, l’autre, vraiment disgracieuse. La même fée qui assista à la naissance de Riquet à la Houppe vint rendre visite aux jumelles et annonça en désignant la jolie petite fille : « Elle conservera sa beauté, cependant elle sera aussi naïve qu’inintéressante et sa sœur, si laide, aura l’esprit vif et brillant ! » Complètement affligée, la reine lui demanda s’il existait un moyen d’accorder un peu d’intelligence à sa jolie petite fille. La fée réfléchit un instant et se résigna : « Elle aura le don de rendre beau celui qu’elle préfèrera parmi tous ses prétendants. » Ainsi, les deux sœurs grandirent l’une à côté de l’autre. La finesse d’esprit et la répartie de la seconde fille eurent bien vite fait d’évincer la rare beauté de la première des jumelles et cette dernière fut délaissée. Mais, malgré sa nature stupide, elle se rendit compte de cette différence. Il faut dire que sa mère la reine lui reprochait continuellement sa bêtise : « Fais un peu attention ! Cesse d’être maladroite ! Réfléchis avant de parler ! »
Un jour, la jolie princesse, bien triste, s’enfuit dans la forêt et s’arrêta dans une clairière pour sangloter chaudement. Elle n’eût pas le loisir de pleurer longtemps car un petit homme fort laid habillé comme un prince vint vers elle et lui dit avec un grand respect et une gentillesse jusqu’alors jamais entendue : « Je n’ai jamais croisé une jeune fille aussi adorable que vous l’êtes et ne comprends pas comment une personne si belle peut verser autant de larmes !
– Je suis naïve et sotte, je le sais, et je préfèrerai posséder l’intelligence de ma sœur, dit-elle tristement.
Le jeune prince sourit et ajouta gaiement,
– Lorsque je suis né, en plus de me prédire un esprit vif, la fée m’a accordé le pouvoir de donner de l’esprit à celle que j’aimerai. Vous êtes cette personne ! »
Et Riquet à la Houppe lui demanda de l’épouser l’année suivante, jour pour jour. Elle accepta et au fur et à mesure qu’elle parlait, ses paroles devenaient toujours plus brillantes.
De retour au palais, toute la cour fut agréablement surprise du changement de la princesse, sauf sa sœur qui paraissait plus laide encore. Pendant un an, la jeune femme, désormais pertinente dans ses propos grâce au pouvoir transmis par Riquet à la Houppe, attira une multitude de princes qui souhaitèrent l’épouser. Elle repoussa leurs avances sous prétexte de réfléchir quelques temps.
Alors qu’elle retournait dans la clairière, elle vit le sol se dérober. Devant ses yeux apparut une horde de cuisiniers travaillant ardemment pour la préparation d’un festin. Elle les questionna, intriguée :
« Pour qui cuisinez-vous ?
– Nous préparons les noces du prince Riquet ! » répondirent-ils en cœur.
Elle se souvint instantanément de sa promesse et, alors qu’elle s’apprêtait à faire quelques pas, elle rencontra Riquet à la Houppe, magnifiquement vêtu.
« Vous venez m’épouser comme vous me l’aviez promis ?
– Je ne sais pas trop, répondit-elle embarrassée.
– Mais pourquoi ? Hormis ma laideur, qu’est-ce qui vous déplaît chez moi ? interrogea-t-il.
– Rien, avoua la princesse.
– Alors je suis le plus heureux car je vais vous révéler un secret. À votre naissance, la fée vous a aussi accordé un don, celui de rendre beau celui que vous aimerez ! »
À peine ces mots furent-ils prononcés que Riquet à la Houppe devint un magnifique jeune homme et la jolie princesse accepta enfin de l’épouser. Seulement, savez-vous qu’il ne s’était pas réellement métamorphosé ? L’amour que lui portait la princesse suffisait à le rendre beau.