Monsieur Seguin n’avait pas de chance avec ses chèvres. C’était toujours la même histoire. Elles cassaient leur corde, s’en allaient dans la montagne et là-haut, le loup les mangeait. Ainsi, il perdit six chèvres. Ces bêtes étaient têtues tout comme monsieur Seguin. Il décida alors d’acheter une nouvelle chèvre, plus jeune que les précédentes. Cette dernière était petite avec un regard doux et de longs poils blancs. Il l’appela Blanchette. Elle était docile, se laissant traire sans bouger, elle raffolait des caresses prodiguées par le vieil homme. Il pensait : “Celle-là est contente, elle ne me quittera jamais !”
Mais il se trompait. La petite chèvre rêvait en regardant la montagne et en oubliait de brouter. Elle voulait aller gambader loin, très loin où il y avait tant de feuilles à manger et toute la place pour trotter dans les verts pâturages.
Un matin, alors que monsieur Seguin était venu traire Blanchette, il ne trouva que quelques gouttes de lait dans son seau.
– Tu as maigri, dit monsieur Seguin inquiet. Es-tu malade ?
– Non monsieur Seguin, je m’ennuie. Je veux aller jouer dans la montagne.
– Comment ? Cria monsieur Seguin. Blanchette, tu veux me quitter ? Est-ce que l’herbe te manque ici ? Peut-être que ta corde est trop courte ; veux-tu que je l’allonge
– Oh non ! Monsieur Seguin. Ce n’est pas la peine, votre jardin est trop petit. Je le connais par cœur et j’ai déjà tout mangé.
– Alors qu’est-ce qu’il te faut ? Qu’est-ce que tu veux?
– Je veux partir à la découverte de la montagne !
– Mais malheureuse, tu ne sais pas qu’il y a le loup de la montagne ?
– Je lui donnerai des coups de corne pour me défendre, monsieur Seguin.
– Le loup se moque bien de tes cornes. Il a mangé des chèvres bien plus grosses que toi ! Eh bien, non… Je te sauverai et pour cela, je vais t’enfermer dans l’étable, car tu ne comprends pas le danger qui rôde sur la colline.
Monsieur Seguin emporta la petite chèvre dans une étable sombre. Il ferma la porte à double tour mais oublia de fermer la fenêtre. Blanchette profita de son oubli et sauta. Elle courut en direction de la montagne colorée de fleurs sauvages.
Pour elle, c’était la fête. La nature la reçut comme une petite reine. Les arbres se baissaient jusqu’à terre pour la caresser du bout de leurs branches. Tout sentait si bon. Blanchette goûtait à tout, sautait partout, roulait les pattes en l’air et glissait le long des pentes.